Un métier d'autrefois : le fabricant de couronnes mortuaires en perles de rocaille
Un métier d'autrefois : le fabricant de couronnes mortuaires en perles de rocaille
Il y a quelques années, un humoriste a proposé, pour lutter contre le chômage, de relancer des métiers disparus : suisse d'église, conducteur de fiacre ou mousquetaire ! La proposition évidemment ironique m'a conduit à dresser la liste de professions locales disparues : je ne citerai que la rempailleuse de
chaises de la place de la Motte nommée... Lachaise. Et il y eut nombre d'autres métiers. Ma mère m'a parlé d'un artisan qu'elle
avait connu : le « père Liénart » fabriquait des couronnes mortuaires en perles de rocaille. Se nommant en fait André Léonard, il était le plus souvent désigné par cette appellation bien limousinante. En 1937, il habitait 19 rue du Mas-Loubier et avait son magasin non loin de là, au 26 rue Victor Thuillat. Mal-voyant,
il gagnait la vie de sa famille par cette activité exigeant précision
et délicatesse. Imagine-t-on le travail et le temps nécessaires pour réaliser une seule couronne ? Enfiler sur un très fin fil de fer des centaines de minuscules perles de couleur, puis plier et replier le fil pour obtenir un pétale ou une feuille ; recommencer pour chaque pétale de chaque fleur et pour chaque feuille de chaque tige ; recommencer pour chaque branche, et enfin, pouvoir monter la couronne. Quelle patience il y faut ! Partons donc à la recherche de ces professionnels de la couronne en perles. Pour cela, j'utiliserai « l'annuaire Dumont » et le « Tout Limoges » ; ces publications de la fin du XIXe siècle et du début du XXe recensaient chaque année, par rue et par profession, les habitants de notre ville.
Commençons par le ''Tout Limoges'' de 1931. On y relève, sous la rubrique « couronnes
mortuaires », les noms de Baudens, Boyer, Cellard, Chambon, Champagne, Dalmont,
Duché, Erraud, Forrichon, Gagnant, Girault, Golse-Gardy, Humbert, Hymonnet, Lecante, Léonard (notre homme), Moulinard, Péronnet, Pommaret, les Pompes Funèbres Générales, Pradeau, (boulevard Montmailler) et Pradeau (rue Alsace-Lorraine), Queyroi, Tharaud et Voisin. Mais il s'agit de fabricants
de « couronnes mortuaires » sans précision. Il y a là aussi bien des fleuristes que des entrepreneurs de pompes funèbres. Les principales maisons avaient en effet une production variée : en 1931, l'entreprise
Boyer annonçait fournir des « couronnes perles, cellulo, céramique, métal, fleurs naturelles ». L'Annuaire Dumont pour 1906 contient une réclame (comme on disait alors) pour la Maison R. Saillant, rue Adrien-
Dubouché, proposant des « articles mortuaires, gerbes et fleurs naturelles, couronnes, croix, plaques mortuaires ». En 1897, les Pompes Funèbres Générales tiennent à disposition de la clientèle un «
approvisionnement énorme » de « couronnes, croix, gerbes en perles, celluloïd, immortelles, fleurs naturel les ».
Deux cas sont encore plus étonnants.
Dans l'annuaire Dumont pour 1927, la maison G Champeaud et Terrasson propose « couronnes mortuaires, croix, gerbes, bouquets » mais aussi « papeterie et maroquinerie
». En 1931, Pradeau, rue Alsace-Lorraine, était simultanément fabricant de couronnes
et... quincaillier ! La maison Queyroi était la principale entreprise pour ces couronnes en perles de
rocaille. M Maurice Robert, dans son livre « Retour à la terre... – patrimoine funéraire en Limousin », évoque principalement cette entreprise et décrit le mode opératoire de fabrication des objets : je renvoie à cet ouvrage. En 1931, la publicité de la maison dirigée par le sieur D. Gagnant, 53 faubourg de Paris (avenue du Général-Lecler actuelle) et 2 bis rue Alsace-Lorraine, est intéressante ;
Cette fabrication était en effet réservée aux aveugles, en institution, en atelier ou chez eux. En 1901, l'Institut Régional des Jeunes Aveugles, sis 39 faubourg de Paris, proposait un cours de fabrication de couronnes mortuaires, assuré alors par la dame Coudert.
Retrouver ces objets dans nos cimetières est mission quasiment impossible : laissés aux intempéries,
ils se sont depuis longtemps défaits, et ceux abrités dans des chapelles funéraires sont protégés par le respect dû aux morts et les notions de violation du domicile et de droit à l'image (même post mortem).
Michel Toulet
Renaissance du Vieux Limoges, 37 rue Adrien Tixier, 87100 Limoges
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